Ma sixième lettre

Tout d’abord, je vous souhaite une belle année 2023. Elle sera comme elle sera, probablement faite de hauts et de bas, de moments joyeux et tristes, de succès et d’échecs. Je peux juste prédire qu’elle commencera par un hiver et se terminera par un autre ;-) De mon côté, elle devrait être ponctuée par encore deux déménagements, l’achat d’une maison et des travaux, un atelier de fortune dans une petite pièce pendant plusieurs mois, un nouveau contexte de vie bien plus proche de la nature et pour le reste, seul l’avenir me le dira.

Comme je l'avais promis lors de ma dernière lettre, je vais vous parler de ma méthode de travail. Pour la collection à venir, mon organisation diffère des précédentes. J’ai d’abord commencé à travailler sur le même modèle que mes précédents patrons, mais j’ai bien senti que le temps me manquait et que j’allais devoir déléguer une partie de mon travail si je ne voulais pas que la collection sorte dans deux ans.

J’ai proposé à Michèle (@mithe54) de travailler sur les étapes de montage de 3 patrons sur 4. Michèle et moi collaborons depuis plusieurs années maintenant. Elle est passée de cliente à relectrice à testeuse à conseillère et maintenant collaboratrice. Voilà comment nous nous sommes organisées pour cette nouvelle mission.

Je développe le patron puis je l’envoie à Michèle accompagné d’une fiche d’instruction très sommaire qui comporte quelques éléments clé qui l’aideront à travailler dans le bon sens, par exemple, je lui explique les points sur lesquels je ne veux pas faire de compromis (telle ou telle finition de col, les manches montées à plat ou en tube etc.) et les points sur lesquels j’attends son expertise car je suis indécise.

Michèle monte ensuite une toile du vêtement en prenant en photo les étapes. Si elle a un doute sur l’ordre et la technique de montage, on s’appelle. Si nécessaire, je modifie le patron en fonction de ses retours (ajout d’une parmenture, modification d’une marge de couture etc.). Enfin, Michèle me rend un dossier comprenant les photos du montage ainsi que des instructions écrites qui me serviront pour le livret de montage final qui est fourni avec le patron.

De mon côté, j’ai commencé à tester les modèles et à effectuer les essayages sur des enfants d'âges différents. Ici ma nièce Maxime 9 ans qui teste la toile de la salopette et encore en dessous Billy 7 ans qui teste la toile de la vareuse.

J’ai aussi commencé la gradation. C’est une pré-gradation qui me permet de faire des tests rapidement, je vais la peaufiner en fonction des essayages. Je n’ai jamais délégué la gradation des patrons même si c’est une partie très chronophage, car cela me laisse la liberté de revenir sur le modèle autant de fois que nécessaire et aussi d’adapter la gradation en fonction du modèle. La gradation n’est pas qu’une application de règles d’agrandissement, cela demande un peu d’intuition, du bon sens et un œil pour le détail. Une fois les modèles validés, je termine la gradation. 

Je passe ensuite à ce que j’appelle le travail de stylisme. Je réfléchis à l’identité de cette collection, mais aussi à la cohérence avec mon image de marque globale. Je choisis les matières et les couleurs en fonction de cette fiche d’identité. Je commande le matériel, lave les tissus et prépare les colis pour les couturières (Michèle @mithe54 et Emilie @mggplusplus ). 

 {Petit update: alors que je m'apprête à envoyer cette newsletter, un colissimo s'est perdu dans la nature, selon La Poste, dans deux jours, je dois le considérer comme perdu. Ce colis comportait beaucoup de marchandise, notamment de la marchandise très coûteuse qui provenait des USA, je commande très rarement à l'étranger, mais là, je ne trouvais pas ce tissu précis dans cette couleur précise ailleurs. Croisez les doigts pour moi ;-)}

Pendant qu’elles sont à l’ouvrage, je m’occupe des schémas des instructions de montage, de la mise en page, des planches patrons, de l’envoi en traduction anglais et espagnol et enfin de la relecture des instructions de montage et de la vérification des planches patron. Je confectionne aussi certains prototypes moi-même, je ne délègue pas tout.

Vient ensuite la mise en ligne des pas-à-pas et divers articles de blog. En général, c’est le moment où on a l’impression d’arriver au bout du tunnel, mais en fait, pas du tout, cette partie est chronophage et assez répétitive, on est encore loin de la ligne d’arrivée.

Une fois les prototypes terminés, je prépare le shooting. Le shooting est une étape clé qui souvent détermine le succès d’une collection. C’est un moment aussi enthousiasmant que stressant. Pour ce shooting je dois accorder le planing de 5 personnes, les trois modèles, le photographe et moi-même. Visualisez un entonnoir que l’on bourre de tous ces mois de travail, toutes ces étapes, toutes ces toiles, essayages et journée à grader et duquel ne ressortent que quelques photos. Ce sont ces quelques photos qui vont devoir vous convaincre.

Une fois le shooting terminé, il faut préparer le lancement. Sélectionner les photos, les mettre en ligne et créer la fiche produit, préparer les supports de communication, prévenir les revendeurs, écrire la newsletter etc…

Et souffler, enfin ! Puis attendre la récompense.

D’abord et même si je déteste l'admettre, c’est le « like » sur Instagram, le commentaire, les premières ventes et enfin, la plus belle récompense n’arrive qu’avec le temps. Quand après plusieurs années un patron se vend encore bien, c’est une satisfaction immense, la vraie sensation de travail bien fait et d’accomplissement. C’est ce qui me fait dire « Ce que je fais, ce n’est pas complétement futile ou inutile, c’est durable et de qualité ».